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INTRODUCTION

fournir un nouvel argument en faveur de l’attribution de cette chronique au chancelier de Notre-Dame. Une lecture attentive de la portion du Journal comprise entre les années 1437 et 1449 met en évidence ce fait curieux, que pour cette seule période de douze années les mentions relatives à l’église et au cimetière des Innocents sont en nombre infiniment plus considérable que dans tout le reste du récit. Comment s’expliquer le soin minutieux avec lequel notre anonyme a noté tout ce qui intéresse l’église des Innocents, et pourquoi à cette époque plutôt qu’à une autre ? Pour quelle raison a-t-il inséré dans le journal de ces douze dernières années des détails d’un intérêt aussi restreint que l’inauguration d’une simple chapelle le 15 août 1437, tandis que pour une période bien plus étendue, il ne s’arrête qu’aux faits de nature à frapper l’attention de tout le monde, tels que la représentation picturale de la danse macabre, et le sermon prêché par le cordelier Richard ? Pour qu’à un certain moment de son existence, le chroniqueur parisien ait pris intérêt à fixer le souvenir de tout ce qui pouvait concerner l’église et le cimetière des Innocents, il faut que le cercle quotidien de ses occupations l’y ait en quelque sorte amené. Or, Jean Chuffart, chanoine de Sainte-Opportune depuis 1433, se trouvait par ce fait mêlé à l’administration intérieure de la paroisse des Innocents, puisque le chapitre de Sainte-Opportune avait non seulement le droit de présentation à cette cure, mais encore droit de collation des différentes chapellenies. Les délibérations capitulaires conservées depuis l’année 1451 nous montrent le chapitre nommant les chapelains des autels de Notre-Dame, de Saint-Denis et Saint-Antoine, de Saint-Michel, de Saint-Louis, faisant réparer la maison presbytérale, recevant un nouveau vicaire perpétuel ou curé des Innocents, réglant en un mot toutes questions ayant trait au spirituel et au temporel de l’église[1]. De plus, le vicaire perpétuel n’exerçait aucun acte de son ministère sans le soumettre au contrôle du chapitre[2]. Ces points établis, devrons-nous nous étonner de rencontrer dans le Journal parisien à la date de juin 1437 un long paragraphe relatif à la profanation de l’église des Innocents par des mendiants et à l’interruption du service divin, paragraphe rédigé avec une précision de détails qu’on aurait droit de trouver extraordinaire dans la plume de tout autre qu’un habitué de la paroisse ou d’un chanoine de Sainte-Opportune ?

Qu’on lise le récit de la « belle prédication » faite en 1449 aux Innocents par l’évêque Guillaume Chartier, et de la procession bien piteuse des

  1. Arch. nat., LL 96, fol. 6, ii vo, 33 vo.
  2. Exemple, la déclaration faite par Simon de Bergères le 28 octobre 1451 pour l’inhumation dans l’église du maître de l’hôpital Sainte-Catherine. ibid., fol. 14 vo.