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INTRODUCTION

personne en situation d’énoncer un ensemble de vues politiques et de faire goûter ses conseils. Sans nous arrêter davantage sur ce point difficile à éclaircir, voyons si l’époque de l’entrée en fonctions du chancelier d’Isabeau coïncide avec les détails que fournit l’auteur du Journal parisien sur l’aïeule du roi d’Angleterre et sur son genre de vie. Lors de l’élection de Nicolas Fraillon à l’évêché de Paris, c’est-à-dire vers la fin de 1426, Jean Chuffart est mentionné dans les registres capitulaires de Notre-Dame, avec le titre de chancelier de la reine[1] ; mais il n’est pas douteux qu’il occupait déjà ce poste en 1425 ; à la date du 9 novembre, le chanoine Jean Chuffart présenta au chapitre un vase précieux au nom d’une personne qui voulut garder l’anonyme, mais qui très vraisemblablement était la reine Isabeau[2]. Il y a donc de fortes présomptions pour que notre chanoine fût en rapport avec Isabeau de Bavière dès l’année 1424, ce qui permettrait d’expliquer le profond respect et la déférence toute particulière que manifeste l’auteur de la chronique parisienne lorsqu’il est amené à parler de la reine déchue. Ajoutons que Jean Chuffart est désigné dans le testament d’Isabeau de Bavière parmi ses exécuteurs testamentaires, non à titre purement honorifique, comme les évêques de Thérouanne, de Paris, de Noyon et de Meaux, mais comme l’un de ceux dont le concours fut jugé indispensable. Aussi, plus de onze ans après la mort de la reine (le 28 février 1447), nous le voyons à titre d’exécuteur testamentaire demander au chapitre de Notre-Dame l’inscription de l’obit d’Isabeau de Bavière[3]. Constatons enfin que suivant le témoignage de Jean Chartier, l’historiographe officiel de Charles VII, lorsque la dépouille mortelle de la pauvre reine fut transportée à Saint-Denis sur un petit bateau, quatre personnes seulement l’accompagnèrent à sa dernière demeure, « comme se c’eust esté la plus petite bourgoise de Paris[4] » et que l’un de ceux qui conduisaient le deuil était précisément le chancelier Chuffart ; aussi n’est-il pas sans intérêt de rappeler que dans le récit des obsèques d’Isabeau de Bavière inséré par notre anonyme dans sa chronique, cette circonstance du voyage funéraire à Saint-Denis par la Seine n’est pas oubliée. En présence de tous ces indices, il nous semble impossible que le prêtre de Notre-Dame, à qui nous attribuons le Journal parisien, ne soit pas en même temps sinon le chancelier, au moins l’un des conseillers les plus intimes de la reine Isabeau.

  1. Arch. nat., LL 216, p. 77.
  2. ibid. LL 216, p. 28.
  3. ibid., LL 219, p. 265.
  4. Chronique de Charles VII, édit. Vallet de Viriville, t. l, p. 211.