Page:Journal d’un bourgeois de Paris 1405-1449.djvu/273

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464. Le dimenche d’après la my-aoust, qui fut le XVIIe jour d’aoust oudit an mil IIIIc XXVII, vint à Paris XII penanciers, comme ilz disoient, c’est assavoir, ung duc et ung conte, et dix hommes tous à cheval, et lesquelx se disoient très bons chrestiens, et estoient de la Basse Egipte ; et encore disoient qu’ilz avoient esté chrestiens autresfois, et n’avoit pas grant temps que les chrestiens les avoient subjugués et tout leur païs et tous fais christianner ou mourir ceulx qui ne le vouloient estre ; ceulx qui furent baptisez furent signeurs du païs comme devant, et promistrent d’estre bons et loyaulx et de garder la loy[1] de Jhesu-Crist jusques à la mort. Et avoient roy et royne en leur païs, qui demouroient en leur signeurie parce qu’ilz furent christiennez.

465. Item, vray est, comme ilz disoient, que, après aucuns temps qu’ilz orent prins la foy chrestienne, les Sarazins les vindrent assaillir, quant ilz se virent comme pou fermes en nostre foy à très pou d’achoison, sans endurer gueres la guerre et sans faire leur devoir de leur pais deffendre que très pou, se randirent à leurs ennemys et devindrent Sarazins comme devant, et renoierent[2] Nostre Signeur.

466. Item, il advint après que les chrestiens, comme l’empereur d’Allemaigne, le roy de Poullaine et autres signeurs, quant ilz sorent qu’ilz orent ainsi faulcement et sans grant peine laissée nostre foy et qu’ilz estoient devenus sitost Sarazins et ydolatres, leur coururent sur et les vainquirent tantost, comme s’ilz cuidoient que on laissast en leur païs, comme à l’autre fois, pour devenir chrestiens. Mais l’empereur et les autres signeurs, par grant deliberacion de conseil, dirent que jamais ne tenroient terre en leur païs, se le pappe ne le consentoit, et qu’il convenoit que là allassent au Sainct-Pere à Romme ; et là allèrent tous, petiz et grans, à moult grant peine pour les enffans. Quant là furent, ilz confessèrent en gêneral leurs péchez. Quant le pappe ot ouye leur confession, par grant deliberacion de conseil, leur donna en penance d’aller vir ans ensuivant parmy le monde, sans coucher en lict, et pour avoir aucun confort pour leur despence, ordonna, comme on disoit, que tout evesque et abbé portant crosse leur donroit pour une foys dix livres tournois, et leur bailla lettres faisant mencionde ce aux prelatz d’église et leur donna sa beneis-

  1. Ms. de Rome : foy
  2. Ms. de Paris : renoncement