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Si jusqu’en 1418 Jean Beaurigout semble absolument étranger à Saint-Nicolas-des-Champs, l’on ne saurait mettre en doute qu’il fut le successeur immédiat de Guillaume de Kaer et qu’il resta curé de Saint-Nicolas-des-Champs pour toute la durée de la domination anglaise ; c’est ce qui ressort d’un acte de désaisine du mois de juillet 1421, pour une maison sise rue Saint-Martin et vendue à Anceau Langlois, prêtre, acte où nous voyons intervenir « vénérable et discrète personne, messire Jehan Beaurigot, curé de S. Nicolas des Champs[1]. » On peut donc affirmer avec certitude que c’est le même personnage qui, en 1429, se déclara publiquement l’un des adhérents de la politique anglaise, en jurant devant le Parlement l’exécution du traité de Troyes. Ce fait vient à l’appui de la thèse soutenue par M. Longnon, et il semblera tout naturel d’établir un rapprochement entre les actes de ce curé parisien, partisan non déguisé de la domination étrangère, et le Journal de ce prétendu bourgeois de Paris où percent à chaque page les sentiments de haine acharnée que nourrit l’auteur contre la faction des Armagnacs.

Gardons-nous toutefois de céder à cet entraînement, reprenons le texte du Journal parisien et poursuivons l’examen des particularités qui semblent aux yeux de M. Longnon justifier l’attribution du Journal au curé Beaurigout.

Le seul fait que l’on puisse signaler pour la période comprise entre les années 1418 et 1436 est celui qui est relaté à la date de septembre 1435, et encore concerne-t-il non l’église de Saint-Nicolas-des-Champs, mais son cimetière. Il s’agit d’un seigneur anglais, le neveu du sire de Falstaff, tué à l’assaut tenté contre la ville de Saint-Denis, et dont les restes furent enterrés dans le cimetière de Saint-Nicolas, après avoir subi une sorte de cuisson dans une chaudière pour séparer les os de la chair. Il est certain que l’auteur du Journal entre dans des détails minutieux sur cette opération ; mais, parce que le cimetière de Saint-Nicolas-des-Champs est désigné comme lieu de sépulture de ce chevalier anglais, est-ce suffisant pour en conclure que le curé de Saint-Nicolas était vraisemblablement l’auteur du Journal ? Notre anonyme ne rapporte-t-il pas un trait absolument analogue en 1429, lorsqu’il raconte la mort de Glasdale, dont le corps fut également ramené à Paris, « despecé par quartiers, boullu, embasmé » et mis dans une chapelle à Saint-Merry ? L’auteur ne compte-t-il pas le nombre des cierges qui brûlaient nuit et jour devant le corps de ce capitaine ? Il faut convenir que ces détails recueillis par le narrateur et qui ne pouvaient guère intéresser que le clergé de Saint-Merry n’ont pas plus d’importance que ceux dont notre chroniqueur nous entretient à propos de la mort du neveu de Falstaff.

  1. Arch. nat., S 14481, fol. 186 ve.