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JUILLET-AOÛT 1899.

vrage de saint Éphrem est écrit en vers, ce qui n’en facilite pas l’intelligence.

Les anciens auteurs syriaques qui connurent toujours saint Éphrem, découvert par nous, pour ainsi dire, au xviiie siècle, tombèrent, dès leur époque, dans la même faute. Ils ne soupçonnèrent pas que l’astrologie pouvait être une hérésie, puisqu’elle conduisait, de leur temps, à la fortune et aux honneurs ; ils attribuèrent donc souvent à Bardesane les erreurs de Manès dont saint Éphrem le rapprochait toujours.

Ajoutons, pour terminer, que l’épithète d’astrologue, que nous donnons à Bardesane, n’est pas pour nous limitative, comme s’il n’avait jamais fait autre chose, mais spécificative, comme nous donnant son caractère propre. — L’astrologie embrassait toute une philosophie naturelle[1] que Bardesane dut apprendre et enseigner avant d’être chrétien, comme il semble nous le dire lui-même[2] ; il devait alors faire dépendre des planètes le monde entier, sa création, sa conservation et la liberté de l’homme. Devenu chrétien, il restreignit leur influence au corps[3]. C’est une erreur, comme l’a déjà vu Eusèbe, mais elle lui est commune avec tant de bons esprits du moyen âge, que l’on serait mal venu de la lui reprocher trop vivement ; et elle aurait vite disparu, si l’on avait donné à l’étude des sciences naturelles l’importance qui lui revient de droit ; la science aurait vite supplanté la fable, et l’on n’aurait pas langui durant tant de siècles dans les vains agencements de mots et les interminables considérations sur

  1. Lire, par exemple, le premier livre de Firmicus Maternus. Bardesane, élevé avec le roi Abgar, dut aussi connaître la philosophie grecque. Il semble suivre plutôt Platon qu’Aristote.
  2. Cf. Le livre des lois des pays, p. 37, dernière ligne de la traduction.
  3. On l’accuse d’avoir nié la résurrection des corps. Voir, en particulier, Carmina Nisibena, LI. Il est certain, d’après Le livre des lois des pays, que Bardesane enseignait la résurrection de l’homme et le jugement dernier. Croyait-il que le corps, dépendant des planètes, n’était pas essentiel à l’homme ? Il ne le dit pas clairement, mais c’était alors une théorie philosophique qu’il put peut-être soutenir.