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ANNEXE AU PROCÈS-VERBAL.

Manès. Par exemple, nous nous demandions au commencement quel pouvait être ce livre « execrandæ mystogogiæ. ». Ce devait être un ouvrage dans le genre « des livres les plus funestes », dont il vient d’être question. Or ces livres traitaient des mouvements des corps célestes, de la division du temps, de l’influence de la Lune sur le corps et ses affections suivant le signe du zodiaque dans lequel elle est placée. Ce livre « execrandæ mystogogiæ » pourrait donc être, à la rigueur, le livre Des lois des pays, où il est peu question des Deux Testaments, qui doivent seuls occuper les chrétiens, et beaucoup des signes du zodiaque et de la Lune[1].

Nous voyons donc que saint Éphrem lui-même condamne chez Bardesane l’astrologue et non le gnostique, car il est remarquable que, dans les discours contre les hérésies, saint Éphrem ne dit pas une seule fois que Bardesane appartint à l’école de Valentin.

On n’a pas mis plus tôt en relief, dans ce siècle-ci, ce caractère de Bardesane parce que, d’une part, grâce à saint Éphrem, on le savait hérétique, et, d’autre part, on savait que l’astrologie chez nous n’a jamais constitué une hérésie ; on oubliait qu’elle en constituait une à Édesse, et on négligeait donc les textes clairs, comme insignifiants, pour chercher l’hérésie de Bardesane dans les vers obscurs, car l’ou-

  1. Pour expliquer saint Éphrem, on se rappellera aussi : 1° que son ouvrage est écrit en vers, par suite il ne faut pas y chercher la rigueur que l'on demande à une prose châtiée ; 2° que l’ouvrage de Bardesane, qu’il semble seul avoir en vue (car il ne cite alors que celui-là), est un recueil de cent cinquante hymnes, et est donc aussi écrit en vers. On se demandera donc si une hyperbole de saint Éphrem ne correspond pas déjà précisément à une hyperbole de Bardesane, et il faudra nous garder d’exagérer encore ; 3° que l’éducation et la vie de saint Éphrem furent l’opposé de l’éducation et de la vie de Bardesane, ce qui l’expose à ne pas comprendre son ennemi ; 4° que l’art (?), avec lequel Marcion, Bardesane et Manès (jamais Valentin) sont mélangés dans les Discours contre les hérétiques rend difficile, sinon impossible, de discerner ce qui est propre à chacun lorsqu’ils ne sont pas spécifiés. De là vient, à notre avis, que les auteurs syriaques postérieurs attribuent les mêmes erreurs à Bardesane et à Manès.