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JUILLET-AOÛT 1899.

et analyser ses textes et ses idées quand ils ont trait à notre question.

Nous trouvons bien vite que dans certains discours contre les hérésies, saint Éphrem attaque violemment Bardesane.

Un bon nombre de textes renferment de pures injures, par exemple : Le diable a donné à Bardesane un grenier plein d’ivraie qu’il répand dans les campagnes, etc. D’autres nous semblent très obscurs. Je cite la traduction éditée par Assémani : O te beatam Christi Ecclesiam[1]… Tu spurcissimi Bardesanis putida mendacia utque judaicæ culinœ nidorem diluisti… nec insani illius Marcionis retines libros… aut codicem execrandæ mystagogiæ Bardesanis habes : gemina duntaxat testamenta Regis Regisque filii tua recondit arca[2]. Quels sont ces « putida mendacia », cette odeur de cuisine, ce livre « execrandæ mystagogiæ » ? — Tout en nous posant ces questions, nous feuilletons saint Éphrem, et nous trouvons à chaque page les trois noms de Marcion, Bardesane, Manès, qui semblent, pourrions-nous dire, cloués à un même pilori. Et, après avoir répété une vingtaine de fois : Marcion, Bardesane, Manès Manès, Bardesane, Marcion, la suggestion nous gagne, et nous cherchons, partie dans Marcion, partie dans Manès, l’explication des imputations voilées portées par saint Éphrem. Si à ce moment, nous nous rappelons que, d’après Eusèbe, Bardesane participa d’abord aux erreurs de Valentin, nous croyons pouvoir nous écrier : εὔρηϰα ! Nous omettons le mot d’abord qui est gênant, et faisons de Bardesane un gnostique genre Marcion-Manès, de l’école cependant de Valentin et mort, bien entendu, dans l’impénitence finale, puisque saint Éphrem l’attaque si violemment.

Mais laissons pour un instant saint Éphrem (nous allons y revenir), et cherchons si nous ne trouverions pas ailleurs

  1. II, p. 438, D. On trouvera ce texte et un certain nombre d’autres dans une Biographie inédite de Bardesane l’astrologue, chez Fontemoing.
  2. II, p. 560, B. On remarquera qu’ici et dans bien d’autres endroits, saint Éphrem veut limiter la science du chrétien aux saints Livres. C’est ce que prônait aussi son contemporain Julien l’Apostat.