Page:Journal asiatique, série 9, tome 14.djvu/17

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
13
ANNEXE AU PROCÈS-VERBAL.

jeunesse, il défendit l’Église contre Marcion et d’autres hérétiques.

Si nous passons du xvie au xixe siècle, nous ne reconnaissons plus notre Bardesane. Nous trouvons en 1819 un Bardesanes gnosticus étudié et décrit par M. Hahn, à Leipzig, puis, en 1833 à Hildeburghusæ (Heidelberg ?), des divinités astrales de Bardesane le gnostique (Bardesanis gnostici numina astralia)[1] ; enfin, en 1864, M. Hilgenfeld nous apprend, à Leipzig encore, que Bardesane est le dernier gnostique, Bardesanes der letzte Gnostiker.

Après lecture, nous reconnaissons que ce Bardesane le gnostique est le nôtre, et nous nous demandons quel événement survenu au xviiie siècle a pu transformer le père de l’Eglise, le confesseur de la foi, en un hérétique, en un gnostique. Nous découvrons vite que les principaux arguments de MM. Hahn, Kuehner et Hilgenfeld proviennent d’une édition des œuvres de saint Éphrem[2], donnée à Rome par les soins d’Assémani de 1732 à 1746[3]. Tel est l’événement qui a transformé, chez nous[4], Bardesane en un hérésiarque gnostique.

Il nous faut, dès lors, si nous voulons nous faire une opinion personnelle sur Bardesane, nous reporter à saint Éphrem

  1. Nous ne mentionnons pas ici l’ouvrage de M. Merx, Bardesanes von Edessa, publié à Halle en 1863, parce que, d’après cet ouvrage, Bardesane est toujours enfermé dans la gnose hérétique, mais s’est affranchi des traits caractéristiques de la gnose, le dualisme et la théorie de l’émanation. — Cet ouvrage nous semble donc donner de Bardesane une idée plus exacte qu’on ne l’a fait par ailleurs, et nous ne voulons pas le citer en mauvaise part. — M. Harnack a fait remarquer aussi avec grande raison que Bardesane ne passa pas d’abord pour hérétique (Altchristliche Literatur, I, 184).
  2. So ist und bleibt die Haaptquelle Ephrem (Hilg., p. 29).
  3. Six volumes in-folio. Les textes contre Bardesane sont tirés du tome II, des Discours contre les hérétiques.
  4. Car nos dictionnaires, bien entendu, font aussi de Bardesane un gnostique, y compris le dernier Dictionnaire Larousse qui ignore les quatre ou cinq éditions ou traductions des Lois des pays, et ne connaît que le fragment cité par Eusèbe.