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MARS-AVRIL 1898.

ANNEXE AU PROCÈS-VERBAL.
(Séance du 11 février 1898.)
LE MOT VÉDIQUE HRUḌU.

Dans la séance du 10 décembre 1897, M. V. Henry ayant rapproché le védique hrū́ḍu du sémitique proethnique * ḥarûḍu (d’où le phénicien חרוץ) « or », j’ai fait remarquer que si ce mot est sémitique et a le sens de « or », comme le pense M. Henry, il a été emprunté au grec χρυσός qui vient lui-même du phénicien חרוץ plutôt qu’il ne remonterait à une époque proethnique. La note complète de M. Henry qui vient de paraître dans le Journal asiatique (cahier de novembre-décembre 1897, p. 511-516) n’ayant pas dissipé mes doutes, je demande la permission de les préciser davantage et de présenter en même temps une solution quelque peu différente de ce petit problème.

La supposition d’un emprunt proethnique à une autre race me fait, malgré moi, l’effet d’un saut dans un abîme insondable. L’établissement des Sémites dans la vallée de l’Euphrate et du Tigre date au moins du septième millénaire avant le Christ, et les monuments écrits mêmes dépassent de beaucoup le quatrième ; or, depuis ces temps antiquissimes, l’assyro-babylonien désigne l’or par le mot ḥuraṣu dont l’analogie avec le védique ḥrûḍu est considérablement moins frappante que celle du phénicien חרוץ et du grec χρυσός. Il faudra donc remonter à dix ou douze mille ans avant notre ère pour rendre possible l’emprunt de la forme hrûḍu par les Aryâs aux Sémites. Mais est-ce seulement imaginable que cette forme proethnique se soit conservée intacte durant cette longue série de siècles chez les Aryâs, pendant que leurs plus proches voisins sémitiques en ont perdu l’usage ? Cette supposition est d’autant plus fragile, que, abstraction faite des invasions tardives opérées par certains rois assyriens en Médie, il n’y eut aucun contact sérieux entre les Aryâs et