Page:Journal asiatique, série 9, tome 11.djvu/331

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
319
NOUVELLES ET MÉLANGES.

était indéclinable ; mais pourquoi ce nom ne suit-il pas l’analogie des autres noms qui se terminent par la même voyelle ? Peut-être faut-il chercher autre chose. À mon sentiment, le χ final est le résultat d’une tentative méticuleuse de représenter dans les trois noms précités aussi exactement que possible la lettre finale de la forme hébraïque qui n’était pas un א, mais un ה. En un mot, ces trois noms étaient primitivement orthographiés : חקל-דמה ,יוסה ,סירה au lieu de יוסי ,סירא et חקל-דמא.

Comme l’alphabet grec ne possède pas de lettre particulière pour exprimer le ה hébreu, le scribe helléniste a été obligé de le remplacer par le χ. En grec moderne, la lettre k des Turcs et des Arabes est régulièrement rendue par le χ comme Αλλάχ, Μεχδι, Χιδζρα pour Allah, Mahdi, hidjra, etc. Il reste à écarter une seule objection sérieuse, savoir le caractère insolite de la forme יוסה pour יוסי. On y parvient en parcourant la petite inscription suivante que Renan a trouvée à El-Djiš, l’ancienne Giscala en Galilée.


יוסה בר נחום José, fils de Naḥum
עבד חאדן a fait ceci ;
תאת להו que lui vienne
ברכתה la bénédiction !

On voit qu’en Galilée on avait l’habitude d’écrire יוסה au lieu de יוסי, et ברכתה au lieu de ברכתא, précisément comme dans les trois noms en question où le ה est rendu par χ[1].

Si cette hypothèse se vérifie, nous aurions pour la première fois une preuve absolument convaincante que les passages susmentionnés de Luc et des Actes remontent à un original araméen écrit en caractères hébreux. Jusqu’à présent on n’a pu invoquer que le style hébraïsant qui ne prouve pas grand’chose : la preuve graphique est seule en état d’apporter la conviction.

J. Halévy.

  1. En samaritain, l’état emphatique s’exprime régulièrement par la désinence ח et non par un א.