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MARS-AVRIL 1898.

ANNEXE AU PROCÈS-VERBAL.
(Séance du 11 mars.)
I

Bien des histoires de l’antiquité tirent leur origine d’étymologies populaires auxquelles donnent lieu les noms des personnes qui y jouent le rôle principal ou ceux des noms des localités dans lesquelles ces histoires sont censées s’être passées.

Les récits bibliques offrent de nombreux exemples de ce procédé : Adam est dérivé de adama (אדמה) « terre » ; la lutte de Jacob contre un ange, sur la rive du Jabboc, יַבּק, fait tacitement allusion au verbe הֵאָבֵק « lutter » dont la racine אבק est supposée se trouver dans le nom de cette rivière, et d’autres dérivations analogues. Mais nulle part, à ma connaissance, ces coïncidences onomastiques ne sont aussi bien revêtues d’une forme franchement symbolique que dans le récit concernant les exploits du juge Gédéon (Juges, vi et vii). Gédéon (גִדְעוֹן), conformément au sens de la racine גדע, coupe l’Ašêra ou l’arbre sacré de Ba‘al et démolit son autel (l. c., vi, 25-30) ; campé près de ‘En Ḥarod (עֵין חֲרֹד), il renvoie les hommes craintifs et tremblants, יָרֵא וְחָרֵד (l. c., vii, 1-3). D’autre part, le sens symbolique apparaît dans les autres faits saillants du récit. La rosée qui mouille une fois la laine en laissant le sol sec, et une autre fois le sol en laissant la laine sèche (l. c., vi, 36-40), symbolise respectivement le pardon des péchés (cf. Isaïe, i, 16 et 18) et la réconciliation avec Yahwé (cf. Osée, xiv, 6). Plus compliqué est encore le songe fatidique du Madianite qui aperçoit une miche de pain d’orge produisant un tintement de fer (צליל ou צלול = ar. صليل ou صلول) qui, après avoir traversé tous les rangs du camp ennemi, se jette sur la tente du chef et la renverse de fond en comble de manière qu’elle ne puisse plus être redressée (l. c., vii, 13 ; lire וְנֹפֵל au lieu de וְנָפַל). L’interprétation du songe était néanmoins facile à donner : le pain d’orge au tintement