Page:Journal asiatique, série 5, tome 9-10.djvu/437

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
429
NOUVELLES ET MÉLANGES.

marque de Silvestre de Sacy, quand il montre que les Akrikis d’Ibn Khaldoun sont tout bonnement les Grecs. Selon lui, si l’auteur s’est servi d’un ق ou d’un ك, c’est parce qu’il était Maure, et que les Africains donnent à ces deux gutturales la valeur d’un g ; mais un habitant de Syrie ou d’Égypte, c’est-à dire un Arabe véritable, s’il avait eu à rendre le mot Græcus, aurait pris pour initiale un غ[1].

Cela ne saurait, en effet, donner lieu au moindre doute. Il y a tout au plus vingt ans qu’en Égypte Ahmed er-Rachid et le scheïkh Réfa‘a ont publié chacun une جُغرافِيهَ, et vers la même époque on réimprimait, à Boulak, le traité des لُغَارِيتمْـَات[2] d’un anonyme, traité édité à Constantinople. Or, ces trois Orientaux, qui connaissent probablement leur langue aussi bien que peuvent la savoir nos capitaines novateurs, avaient-ils dessein (le croit-on ?) d’enseigner à leurs compatriotes arabes la géorraphie et les lorarithmes ?

Voilà pour le présent ; car ceci date de 1835 et 1837. Que s’il s’agissait du passé, la chose ne serait pas moins claire. Lorsqu’un voyageur musulman du xiie siècle, Ebn Djobaïr, écrivait غُلْيَام (Guliâm) le nom du monarque normand de la Sicile, il ne prétendait à coup sûr point faire de ce prince le roi Ruillaume.

Lorsqu’on parlait, soit d’un Bulgare (بُلغار), soit d’un Ouïgour (اُويغور), au temps de la puissance de ces peuples, on ne s’attendait pas à les voir un jour travestis en Bulrares et en Ouïrours[3].

  1. Voyez, d’ailleurs, dans Ibn Abi Ossaibi‘ah, les mots الڪتاب الاغريقى, El-kitâb el-Agrîki (par un gaïn) « le livre grec » ou « le livre du Grec ».
  2. Ou لغاريتمة au singulier, en prenant ce mot pour le nom d’une science : la logarithmique.
  3. À la vérité, on veut bien coiffer d’un accent ce prétendu r ; on en fait un r prime (style d’algèbre) ; on daignera écrire Bulr′are, ouir′our, et sans doute aussi R′uillaume, géor′aphie ou lor′arithmes. Certes, nous ne pouvons qu’être touchés de cette condescendance. Cependant, puisque l’on faisait tant que d’introduire un accent, pourquoi ne l’avoir pas attaché à ce g