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JOURNAL ASIATIQUE

les grandes villes, sans exception, on est exposé à rencontrer des exemples de la turpitude la plus révoltante : c’est là ce qui frappe l’étranger plus que tout le reste, et lui donne aussitôt une opinion défavorable de toute une nation. S’il s’en rapporte aux indigènes, il s’expose à être trompé quelquefois, mais aussi il apprend leur manière d’envisager certaines choses sur lesquelles il aurait porté un jugement tout autre que le leur.

Dans le cas actuel, ils lui auraient dit que ces poésies qui, au premier aspect, choquent la morale, renferment nécessairement un sens mystique, et que ces liaisons étaient de pure amitié. Cela paraît en effet la solution de la question, et elle rend raison de circonstances qui autrement seraient inexplicables ; car comment supposer que des hommes remarquables par leur piété fassent étalage de penchants dépravés ? Comment se fait-il que les livres traitant les sujets les plus graves renferment souvent des vers qui, pris à la lettre, blessent la religion et les mœurs ?

En admettant ce principe, on admet aussi les abus qui en sont presque une conséquence nécessaire ; alors tout s’explique, même jusqu’aux récits des voyageurs et aux faits racontés par des historiens arabes et persans. Si l’on refuse de le reconnaître, on sera obligé de tout condamner sans exception, et une pareille décision ne paraît ni juste ni philosophique.

M. G. de S.