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écrits. Il devenait donc nécessaire de dépeindre l’objet aimé, en employant des adjectifs et des verbes du genre masculin (on sait que la seconde et la troisième personne du verbe arabe ont chacune une forme particulière pour le genre féminin) ; ce changement de genre est même permis dans certains cas par le génie de la langue arabe. Ce que la jalousie des mœurs avait exigé, et que le bon ton avait adopté, fut ensuite confirmé par l’assentiment public. Encore aujourd’hui, au Caire, dans les morceaux chantés par les musiciens qui parcourent les rues, il faut employer le genre masculin toutes les fois qu’il y est question d’amour ; autrement la morale publique s’en formaliserait, et le chanteur s’exposerait à une sévère punition pour avoir manqué à la décence et enfreint un règlement de police. Le poëte musulman a donc été obligé de se conformer à cette règle posée par l’opinion générale, mais il a donné toute extension à la permission qu’on lui laissait d’employer le genre masculin pour les adjectifs et les verbes ; il a osé employer des attributs qui ne conviennent qu’au sexe masculin.

Une autre circonstance qui a beaucoup contribué à amener ce changement, ce fut l’exemple des hommes qui par la sainteté de leur vie avaient mérité la vénération publique ; quand ils consacraient leurs talents poétiques à dépeindre les transports de l’amour divin, de cette passion ardente qui ravit l’âme de la créature par la contemplation des perfections qui se trouvent réunies dans l’au-