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JOURNAL ASIATIQUE.

termes parfaitement clairs pour eux, mais incompréhensibles pour le lecteur européen. De ces expressions, il en est que tout étudiant a dû remarquer, car elles se présentent presque à chaque page des livres qui traitent de l’histoire littéraire des Arabes. Dans les vers suivants, tirés en grande partie d’ouvrages inédits, on verra des exemples de l’emploi figuré de certains mots qui se rencontrent très-souvent, et en comparant les différents passages dans lesquels ils se trouvent, on parviendra à reconnaître la signification que les poëtes leur ont assignée.

Hariri a dit dans sa seconde séance (édition de M. de Sacy, page 25), فاطرَتْ اوُاوُاَ من نرجس « elle a versé des perles d’un narcisse. » Cela signifie que cette personne a versé des larmes ; mais quel rapport y a-t-il entre l’œil et le narcisse ? Le vers suivant fournira la réponse à cette question.

الورد فر الخـــــدود عــــــــــــــصّٗ
و نرجس الـــعــــيـــــون ذابـــــلَ

Les roses qu’on voyait dans ses joues étaient fraîchement épanouies ; les narcisses de ses yeux languissaient.

C’est donc entre les yeux remplis de langueur, et la fleur du narcisse dont la tête penche mollement sur sa faible tige, que le poète a trouvé un point de ressemblance : cela lui a suffi ; il ne balance pas de créer une métaphore qui pourra seulement être comprise d’uu peuple chez lequel l’idée de langueur et celle de faiblesse peuvent s’exprimer par le même