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MÉLANGES.

NOTE SUR L’ACCEPTION,
À TRAVERS LÀ CIVILISATION INDIENNE,
DU MOT DHARMA.

La signification de l’idée de dharma, vraiment centrale dans la pensée indienne, est multiple et diverse comme la civilisation qui l’a conçue ; aussi est-il usuel dans les ouvrages d’indianisme d’indiquer que ce mot a, selon les cas, divers sens : loi, religion, ordre social, vertu, devoir, droit, justice, mœurs, convenances, être, phénomène, essence, existence, qualité. Ceci dit, on choisit dans un cas tel sens, dans un autre tel autre, ou l’on renonce à traduire. Nous craignons que cette affectation de scrupule atteste quelquefois un manque de courage. Certes un concept riche de contenu a du voir constamment sa signification évoluer au cours d’une histoire d’au moins trois millénaires ; mais cette évolution même doit avoir sa raison, comme l’apparent caprice d’une courbe obéit à une loi. Il faut se demander résolument pourquoi et comment le même mot peut avoir signifié tantôt, comme dans la Bhagavad-gītā, le devoir et le droit de caste ; tantôt, comme dans l’enseignement du muni des Çākyas, l’idée même de religion ; comment il peut désigner tantôt la loi morale ou juridique, tantôt l’objectivité ; comment il en vint a exprimer le premier et le dernier mot du Bouddhisme, et à ne présenter pour ainsi dire aucune valeur spéculative aux yeux des adeptes d’un Brahmanisme tardif.


I. Le sanscrit védique emploie le mot de dharman, un de ces termes neutres fort anciens, qui nous introduisent dans