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DOGMATIQUE BOUDDHIQUE.

dharmas intellectuels, on demandera s’il est permis, — sans dénaturer la valeur vulgaire des termes, — de parier d’acte et de passion. Où y a-t-il karman, s’il n’y a point de liberté (svâtantrya), si tous les phénomènes [dharmas), y compris les états de conscience (vijñânas), n’ont aucune activité en dehors de la causalité nécessitante ? Comment y aurait-il passion, puisqu’il n’y a pas de patient (vedayitar), puisque la cause spécifique du phalabhoga, à savoir le karman, est inexistante ?

En un mot, il ne faut pas faire de différence entre l’acte et l’agent. Admettez l’un et l’autre, si vous le voulez : car il semble que nous soyons des êtres permanents et libres ; mais si vous cherchez la vérité vraie, niez l’un et l’autre. Le Bouddha sans doute a enseigné l’acte ; il n’a même pas enseigné autre chose, à en croire une solennelle déclaration[1] ; mais le philosophe n’est pas gêné par la tradition : « Si tu as affirmé l’acte et l’agent, c’est au point de vue de la vérité de l’expérience[2].

La notion d’acte [karman) est donc ruineuse, si on entend bien le nairâtmya et le pratîtyasamutpâda. Ce n’est pas un être (dravya), un nommé Devadatta, qui se tient debout, qui voit, qui parle : il y a seulement passage d’une puissance (çakti) en action (kriyâ), manifestation d’une énergie qui appar-

  1. Voir ibidem, p. 255, n. 1.
  2. kartâ svatantrah harmâpi tvayoktam vyavahâratah Bodhicaryâvatârap., ix, 73 (p. 308. 10). — Peut-être faut-il traduire : « Si tu as enseigné la liberté de l’agent… »