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NOVEMBRE-DÉCEMBRE 1903.

un seul mot, çûnyatâ (vacuité), est qu’il faut nier l’acte et la connaissance.

La conclusion est logique. À réduire le moi à une série de vijñânas, à trouver la norme du processus intellectuel dans la « production en raison d’une cause » (pratityasamutpâda), on élimine l’agent responsable et libre : « J’admets l’acte, mais je nie l’agent », dit un texte^^1. Le moi des anciens Abhidhârmikas et des Vijnânavâdins est donc vide de personnalité ; ce n’est, nous l’avons vu, ni un agent, ni un patient, mais une série d’actes et de passions. Conception instable et hétérodoxe, car elle semble placer sous chaque état de conscience un« noumène » qui l’anime et le personnifie, qui fait que l’acte soit un acte, la sensation une sensation 2. Chaque phénomène existera donc en lui-même (parinispannâvastha) ; et on aboutit simplement à substituer une série ou une collection d’âtmans (âlayavijñâna), momentanés mais substantiels, à l’âtman permanent, conscient et actif des Brahmanes. C’est se méprendre grossièrement sur l’impermanence et la nécessitation des phénomènes.

Si le philosophe recule devant cette interprétation de l’âlayavijñâna, — « La série n’existe pas, seuls existent les membres de la série »^^3 ; — et professe hautement le caractère momentané et nécessité des

1 Çiksàsamuccaya, 262, 5 : karma ca me âlihyâlaih kartû na itihalr dacasii dilisu. — Voir Journ. as., 1902, II, p. 255, n. 2.

2 Voir l’article cité de Mme Rhys Davids (p. 370. n.  1 ).

3 Voir Journ. as., 1902, II, p. 286, note.