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DOGMATIQUE BOUDDHIQUE.

Les phénomènes internes (ādhyātmika), actes ou fruits, présentent ce caractère essentiel d’être momentanés et de n’avoir point de « maître » (asvāmika) : ils ne peuvent être attribués à aucun « moi », ils ne sont pas dans un « moi » et ne contiennent pas de « moi ».

    n’anime l’huile et les autres paccayas. La pensée antérieure (arūpin) est la cause ; l’œil et la forme ne sont que coefficients : « de tous les corps ensemble on ne saurait en faire réussir une petite pensée ; cela est impossible et d’un autre ordre » (a) ; 2° Les pratyayas sont évoqués, nécessités par le karman, c’est-à-dire par un vijñāna ancien. Il est vrai que les Nikayas tiennent pour indispensable, en vue de la production du vijñāna, la rencontre du sens et de l’objet : mais cette rencontre n’est pas accidentelle (casual) ; elle est réglée par une sorte d’harmonie préétablie, par la toute-puissance du mérite (adṛṣṭa) le corps que j’ai revêtu, le bâton dont me frappe mon ennemi sont l’œuvre du karman ; et ce monde, sous ce rapport, ne diffère pas de l’enfer où tout est calculé pour un but précis (Bodhicaryāv., vi, 42, 47). La série des vijñānas se développe donc dans un saṃsāra qui est « fonction » de son mérite. Et le monde extérieur, n’ayant rien de « casual », est parfaitement inutile à la théorie psychologique : les Vijnānavādins peuvent le supprimer d’un cœur léger.

    Les textes condamnent souvent notre théorie, par exemple Milinda, i, 190-195, où, d’après Nāgasena, les souffrances du Bouddha ne résultent pas de son karman, mais de la disposition du corps de la température, de l’action des autres. Les maladies ne viennent pas du karman. Bref, la douleur vient de causes fortuites. Mais je ne veux pas en croire Nāgasena sur ce point (voir aussi II, 107). Bien plus, la logique nous contraint à dire que l’acte actuel est le fruit d’un acte ancien, et il se trouve des documents pour confirmer cette thèse. Les damnés, par exemple, sont incapables d’une bonne pensée, et leur péché ne fait que

    (a) Çāntideva s’extasie sur le caractère merveilleux de la charité, révélée, « inventée » par le Bouddha, « inconnue aux dieux, aux ṛṣis et aux brahmanes, et qui n’avait jamais apparu, pas même en rêve (Bodhicaryāv., i, 21).