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DOGMATIQUE BOUDDHIQUE.

plus exactement, puisque la série (saṁtāna) n’existe pas indépendamment des membres (saṁtānin), des « moments » (kṣaṇa) qui la constituent, ce qui se réincarne, c’est un vijñāna riche de toutes les puissances accumulées en lui par tous les vijñāna antérieurs. Dès lors, si le dégustateur du fruit n’est pas identique à l’auteur de l’acte, il n’en est pas non plus différent, il le continue et le prolonge. Nous évitons « la destruction de ce qui a été fait » (kṛtavipraṇāça), « l’arrivée de ce qui n’a pas été fait » (akṛtābhyâgama)[1]. Il est juste, comme l’avoue Milinda, que la moisson appartienne au semeur, la femme à celui qui s’est fiancé à la jeune fille[2] ; de même est-il juste que la peine s’attache à la pensée coupable et la poursuive dans son éternelle évolution.

À examiner comment les choses se passent et doivent se passer, on voit que la cause détermine l’effet, que le phénomène intellectuel appelé « acte », — les actes de la voix et du corps n’étant que des succédanés sans importance[3], — phénomène distinct du désir (tṛṣṇā) et de l’attachement (upādāna) et qu’il faut bien définir comme étant le consentement ou la volition[4], — on voit, disons-nous, que le karman

  1. Voir Sarvadarçana, traduction dans Muséon, 1901, notes 177, 187. — Ces expressions sont aussi employées dans le Vedānta.
  2. The questions of King Milinda (Rhys Davids), I, p. 61 et suiv.
  3. Voir Kathāvatthu, ix, 10.
  4. Dans la série tṛṣṇā, upādāna, bhava, les sources scolastiques les plus sûres traduisent bhava par punarbhavajanaka karman : « acte qui produit la renaissance ». — Peut-être faut-il entendre par upādāna l’acte commencé, par bhava l’acte consommé, qui engendre la vie ;