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NOVEMBRE-DÉCEMBRE 1903.

phique où sont enfin débrouillées et perfectionnées les spéculations confuses des vieux Aupaniṣadas[1]. À la vérité théorique, vérité suprême et vraie (paramārthasatya), Çaṁkara oppose la vérité de l’expérience ou de la pratique (vyavaḥarasatya) ; au Brahman supérieur (paraṁ brahma), le Brahman inférieur (aparaṁ brahma). À la théodicée vraie (para vidyā), il oppose et superpose une théodicée provisoire, relative et, disons le mot, fausse (apaṛa vidyā). La première se résume dans le grand axiome (maḥavākya) de l’Upaniṣad : « tat tvam asi »[2] ; de la seconde se réclament la mythologie et la morale, les Bhaktisūtras, les Purāṇas et les Tantras, le Çivaïsme et les religions viṣṇuites. De même, dans le Bouddhisme du Grand Véhicule, dans le système (darçana) des Mādhyamikas, d’une part la « science », la Prajña ou doctrine du vide ; de l’autre, le don et la compassion, l’Octuple Chemin, le culte des Bodhisattvas et des stūpas.

Nous avons rencontré dans notre premier article[3] la délicate question des deux enseignements, — question apparentée, sinon identique, à celle des deux vérités, — et nous avons constaté qu’elle n’intéresse pas la doctrine de l’acte dans le Petit Véhicule[4] : les

  1. Voir Deussen, Das System des Vedānta, p. 104-124, 221-232. Par Vedānta nous entendons le système de Çaṁkara (advaita = monisme absolu).
  2. « Tu es cela », tu es Brahman.
  3. Journ. as., 1902, II, p. 250.
  4. Elle n’intéresse pas la doctrine de l’acte, puisque cette doctrine appartient, dans le Petit Véhicule, à l’enseignement vrai ;