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JUILLET-AOÛT 1911.

chambres et demeures des riches, mais leurs portes mêmes étaient ornées de sculptures remarquables et d’idoles (voir Ch. Schefer, Chrest. Pers., t. I, p. 51-52) ? À défaut d’autres, les poètes amoureux de Boukhara et de Samarqand avaient à leur disposition les dieux et les déesses des cultes tolérés, et avant tout du bouddhisme, les plus beaux, les plus riches, les plus nombreux et les plus répandus. Aussi est-ce بُتْ but qui répond d’abord chez eux à notre « idole » : il représente, en effet, de façon exacte le pwt des textes sogdiens bouddhiques dont le p- initial n’est qu’une graphie pour b- ainsi qu’on l’a montré dans ce journal même (J. A. janv.-févr. 1911, p. 90 et suiv.) et dont le -t est le résultat dernier de l’assourdissement du -d(dh) à la finale en sogdien (cf. Horn, Grundr. d. iran. Phil., t. I, 2, p. 80). C’est, d’autre part, فخ faγ, forme sogdienne (cf. persan فخ baγ « dieu » qui remonte à un βγ plus ancien, largement attesté à travers tout le sogdien (cf. J. R. A. S., avril 1911. p. 497 et suiv.) et qui représente sinon notre « idole », du moins notre « divinité » (cf. Horn, Grundr. d. iran. Phil., t. I, 2, p. 78. C’est enfin, liés étroitement à ces emprunts au sogdien, à la langue qui va de Samarqand au limes chinois et à la Tartarie et qui est évincée de la Sogdiane propre par le triomphe du persan et peut-être davantage encore par les invasions turques et les massacres des anciens habitants, la réputation du Turkestan et de la Chine comme pays de la beauté et l’emploi des mots « turk » et « čīn » dans le langage amoureux. Ni l’un ni l’autre n’y valent par leur sens propre : ce sont tous deux à l’origine des désignations extérieures, avant tout géographiques, et plus tard des termes conventionnels sans aucun substrat concret.

En dernier ressort, étant donné ce que nous savons aujourd’hui des origines et de la technique de l’art gréco-bouddhique, on se trouve amené à conclure que le vocabulaire lyrique persan a conservé comme un reflet lointain et affai-