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NOVEMBRE-DÉCEMBRE 1911.

ment[1] pour qu’ils montassent et avançassent et ils les firent sortir des cinq gouffres. Les cinq sortes de démons[2] se collèrent[3] aux cinq corps lumineux, telle la mouche qui s’attache au miel, tel l’oiseau qui est retenu par la glu[4], tel le poisson qui a avalé l’hameçon. Pour cette raison, l’Envoyé de la Lumière nommé Tsing-fong (Vent pur), au moyen des cinq sortes de démons et des cinq corps lumineux et par la combinaison de leurs deux forces[5], constitua les dix cieux et les huit

    pour s’en convaincre, de rapprocher du présent passage celui qui est consacré à Éloha : [texte chinois], « le corps merveilleux de notre Unité trine, le vrai maître sans commencement Éloha », pour être amené par le parallélisme à traduire la phrase relative au Messie par « le corps divisé de notre Unité trine, le brillant et vénérable Messie ». Mais si des doutes sur la valeur de participe ou d’adjectif de fen dans fen-chen pouvaient subsister pour quelques-uns, ils seraient levés par le présent texte manichéen, où wou-fen-ming-chen ne peut signifier que « les cinq corps lumineux divisés ».

  1. [texte chinois]. Le mot [texte chinois] ts’ö signifie un « plan » au sens stratégique ; l’expression militaire [texte chinois] ts’ö-ying signifie « secourir » (un corps de troupes, une place) ; ts’ö-tch’e, dans notre texte, paraît avoir la même valeur que ts’ö-ying, avec cette nuance que ce secours est opéré en tirant les cinq corps lumineux comme par la main. Dans notre texte, ts’ö est écrit avec la forme [texte chinois] ; cette forme se retrouve dans l’inscription de Si-ngan-fou (cf. Legge, Christianity in China, p. 12) et dans nombre de manuscrits de l’époque des T’ang.
  2. Ces cinq sortes de démons sont les cinq éléments mauvais correspondant aux cinq terres de ténèbres. Le Khuastuanift (von Le Coq, Khuastuanift, p. 280) connaît aussi les cinq sortes de démons (biš türlüg yäkärlüg) qui luttent contre Ormuzd (l’Homme primitif) et les cinq dieux ses fils.
  3. Le terme chinois et les comparaisons qui suivent sont à rapprocher, à cause de leur précision, du verbe qatïlo qu’emploie au même propos le Khuastuanift (von Le Coq, Khuastuanift, p. 280, 285, 291) et qui, selon Radlov (Nachträge, p. 870), signifie « adhérer », « être collés ensemble ».
  4. Le caractère [texte chinois] donné par le texte n’est qu’une variante de [texte chinois] tch’e, « glu ».
  5. [texte chinois]. Il ne nous semble pas qu’il faille traduire ici houo-ho par « union harmonieuse », comme on serait tenté de le faire d’abord, puisque les deux natures ou forces de lumière et d’obscurité ne vivent pas dans le monde en bonne harmonie. Houo-ho a ici la valeur d’un terme technique marquant la combinaison stable, mais susceptible pourtant de dissociation, dans laquelle le Vent pur a réuni les deux natures pour former le monde.