Page:Journal asiatique, série 1, tome 4.djvu/271

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
( 265 )

dérant cette période de confusion et d’obscurité que le fil de la succession avait dû échapper à toutes les recherches de l’histoire. Les Maîtres du Royaume formaient l’anneau inaperçu qui rattachait aux anciena patriarches des Indes la chaîne des modernes pontifes du Tibet. Ceux-ci durent l’éclat dont ils brillèrent au XIIIe siècle aux conquêtes de Tchingkis-Khan et de ses premiers successeurs. Comme jamais aucun prince d’Orient n’avait gouverné d’aussi vastes régions que ces potentats, dont les lieutenans menaçaient à la fois le Japon et l’Égypte, Java et la Silésie, jamais aussi titres plus magnifiques n’avaient été conférés aux Maîtres de la Doctrine. Le Bouddha vivant fut élevé au rang des rois, et, comme le premier qui se vit honoré de cette dignité terrestre était un Tibétain, on lui assigna des domaines dans le Tibet, et le mot de Lama, qui signifiait prêtre dans sa langue, commença, en lui, à acquérir quelque célébrité. La fondation du grand siége lamaïque de Poutala n’a pas d’autre origine que cette circonstance tout-à-fait fortuite, et elle ne remonte pas à une époque plus reculée. Selon Voltaire, il est certain que cette partie du Tibet où règne le Grand Lama était enclavée dans l’Empire mongol, et que le pontife ne fut point inquiété par Tchingkis. Il donne même pour cette conduite des raisons très-plausibles, et Tchingkis-Khan était assez bon politique pour les avoir senties ; mais ce prince n’eut pas occasion d’exercer la déférence qu’on lui attribue pour le Grand Lama, parce que de son tems, il n’y avait point encore de Grand Lama au