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conjectures. Telle est la cause de l’empressement que les savans ont toujours mis à les rassembler et à les expliquer. Souvenirs fugitifs, traditions presque effacées, analogies dans les usages et dans les opinions, tout a été recueilli avec avidité. Les faits les plus minutieux ont acquis de l’importance par le but qu’on se proposait, et qui n’était autre, en réalité, que de retrouver, en marquant les relations des peuples, l’origine et la succession des sciences, des arts, et de la civilisation.

C’est aussi là le motif qui a engagé tant d’hommes judicieux à rechercher l’histoire des fables et des erreurs : vaste et importante partie de l’histoire de l’esprit humain. Car, s’il ne s’agissait pour nous que de prendre une idée plus juste et plus précise des écarts auxquels notre entendement est exposé, nous pourrions bien, sans aller si loin et sans remonter si haut, en trouver autour de nous, et dans nous-mêmes, les preuves les plus satisfaisantes et les exemples les plus multipliés. Pour l’objet qui l’occupe, l’antiquaire laisse de côté ces méprises communes dans lesquelles notre raison se laisse naturellement entraîner, en tout tems et en tout lieu, par un effet de sa faiblesse et de son orgueil ; mais il s’attache de préférence à ces erreurs si singulières, à ces imaginations si bizarres, ou à ces subtilités tellement raffinées, qu’il est difficile de croire qu’elles aient été trouvées deux fois. Pour lui, les plus fortes absurdités sont les meilleures, parce qu’elles sont mieux caractérisées, et que les conclusions qu’il en déduit sont plus rigou-