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crime de ce que j’ai à vous dire, je vais hasarder une observation téméraire. J’ai ouï dire que parmi les lettrés fameux dans les tems anciens et modernes pour les charmes de leur personne, Fan-’an et Weï-kiaï[1] occupaient le premier rang ; mais aujourd’hui que je vous vois, je ne saurais croire que leur beauté ait égalé la vôtre. »

— « Vos éloges sont excessifs », répondît en souriant Lieou-thsing. « Quoique j’aie lieu de savoir gré à mes parens du don qu’ils m’ont fait d’une figure à peu-près humaine, comment oserais-je entrer en comparaison avec les personnages de l’antiquité ? »

— « Ce que j’en dis n’est point pour vous flatter[2]… mais je pense que toute la quintessence des deux fluides éthérés[3] et toute la vertu des deux principes formateurs[4] ont agi du ciel et de la terre pour produire dans votre personne le chef d’œuvre de la nature. Les anciens disaient : joli à croquer ; mais aujourd’hui, qu’en buvant avec vous je me repais de votre beauté, je m’aperçois que c’est

  1. Ce sont apparemment deux Adonis chinois.
  2. Textus sinensis addit : « Nec mihi animus est pudorem tuum temerare. »
  3. Ces deux fluides ou élémens matériels sont le Yang et le Yin. Le premier est actif, subtil, lumineux et chaud ; le second est passif, grossier, obscur et froid. Tous deux entrent dans la composition des corps animés.
  4. Ce sont le Tsao et le Hoa. Le Tsao est le principe ou la force qui produit ou qui crée. Le Hoa est la force qui agit dans les transformations.