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souvent si commode[1], de conserver la couleur locale, n’est point une excuse auprès d’eux ; ils ne font pas plus de grâce aux métaphores bizarres qu’aux locutions étranges ; et s’il s’en trouve beaucoup dans une version d’un livre oriental, ils nous diront crûment que ce n’était pas la peine de la faire. Cependant ils veulent qu’un traducteur soit fidèle, et ils soutiennent qu’on peut l’être autant qu’il faut sans cesser d’écrire en français. De cette proposition vraie en spéculation, résulte un double précepte qui, malheureusement pour nous, est beaucoup moins facile à observer qu’à imposer.

Je sais qq’il y a dans le monde un assez bon nombre d’orientalistes amateurs qui jugent les traductions d’après des principes tout opposés ; car ils en jouissent d’autant plus qu’elles sont moins françaises. En travaillant pour cette classe de lecteurs, il ne faudrait pas se tourmenter à chercher des équivalens ; que dis-je ? ils sont si bien préparés aux formes extraordinaires, que ce serait tromper leur attente, et par suite encourir leur mécontentement, que de leur offrir des traits de ressemblance, quelque réels qu’ils fussent, entre l’Orient et l’Occident.

Ceci s’applique particulièrement à la Chine. Comme cette contrée est la plus lointaine de celles dont on cultive la littérature en Europe, ils en concluent que

  1. Il y a nombre de phrases, même en arabe, qui, traduites verbalement, ont une physionomie orientale, mais qui deviennent triviales pour nous, dès qu’on les rend par les expressions françaises qui leur correspondent réellement.