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réelle. L’examen que je fis de son livre confirma pleinement cette conjecture, et changea du reste toutes les idées que j’avais pu me former de l’auteur. Comme tant d’autres fondateurs, il était sans doute bien loin de prévoir la direction que devaient prendre les opinions qu’il enseignait ; et s’il reparaissait encore sur la terre, il aurait lieu de se plaindre du tort que lui ont fait ses indignes disciples. Au lieu du patriarche d’une secte de jongleurs, de magiciens et d’astrologues, cherchant le breuvage d’immortalité, et les moyens de s’élever au ciel en traversant les airs, je trouvai dans son livre un véritable philosophe moraliste judicieux, théologien disert et subtil métaphysicien. Son style a la majesté de celui de Platon et, il faut le dire aussi, quelque chose de son obscurité. Il exprime des conceptions toutes semblables presque dans les mêmes termes, et l’analogie n’est pas moins frappante dans les expressions que dans les idées. Voici, par exemple, comme il parle du souverain Être : « Avant le chaos qui a précédé la naissance du ciel et de la terre, un seul être existait, immense et silencieux, immuable et toujours agissant. C’est la mère de l’univers. J’ignore son nom ; mais je le désigne par le mot de Raison… L’homme a son modèle dans la terre, la terre dans le ciel, le ciel dans la raison, la raison en elle-même. » La morale qu’il professe est digne de ce début. Selon lui, la perfection consiste à être sans passions pour mieux contempler l’harmonie de l’univers. « Il n’y a pas, dit-il, de plus grand péché que les désirs déréglés,