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L’ouvrage du P. Varo est si rare (à peine en existe-t-il deux ou trois exemplaires en Europe), qu’on a pu vraiment le regarder comme non avenu et s’en emparer sans scrupule. Aussi le trouve-t-on fidèlement reproduit dans une grammaire chinoise manuscrite de la bibliothèque du Roi, composée par un missionnaire qui paraît être le P. Montigny ; le P. Horace de Castorano en avait agi de même ; il avait aussi oublié les obligations dont il était redevable au P. Varo. Enfin les mêmes choses, mêmes divisions, mêmes dispositions, reproductions fidèles des erreurs, choix des exemples, tout se retrouve, fort innocemment sans doute, dans la grammaire latine, publiée en 1742, par Étienne Fourmont ; d’ailleurs Fourmont nous apprend lui-même qu’il n’avait reçu la grammaire du P. Varo qu’après l’impression de la sienne. Ce qu’il y a de plus singulier, c’est que ce dernier, qui passait de son tems pour compulser tous les livres chinois de la bibliothèque du Roi, croyait, en publiant sa grammaire, fournir des moyens d’étudier la langue littérale des Chinois ; tandis que si elle avait été bonne, elle n’aurait pu servir qu’à entendre la langue vulgaire. La distraction est assez curieuse. Il est donc vrai de dire que, jusqu’à la publication des grammaires chinoises et anglaises de MM. Marshman et Morrison, on n’a possédé que les trente pages du P. Varo, et certes ce n’est pas assez pour qu’on puisse tenter, avec leur secours seul, l’étude de la langue chinoise ; surtout si on fait attention que jamais ce missionnaire n’a transcrit en caractères originaux les mots chinois qu’il a cités.