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j’arrivai, à onze heures, rue de la Glacière. J’avais pu, jusque là, échapper à la surveillance des nombreuses patrouilles qui sillonnaient Paris ; mais je ne pouvais plus continuer cette promenade sans issue. Une dernière chance me restait. Dans la rue de la Glacière habitait un compatriote de mon père ; c’était un marchand de chiffons en gros, possédant dans ce quartier des magasins considérables où il lui était facile de me donner un abri jusqu’au matin.

Le lendemain, un ami prévenu m’aurait sûrement accueilli.

Plein de confiance, je me présentai chez ce vieil ami de ma famille qui, pendant quarante années, avait conservé avec mon père, son camarade d’enfance, les plus affectueuses relations.

J’étais, ou plutôt je croyais pouvoir être parfaitement rassuré sur la réception qui allait m’être faite. J’avais reçu au Ministère des Finances, un mois auparavant, la visite très cordiale de notre compatriote et j’avais pu, à cette époque, lui rendre un service : je ne doutais donc pas de son dévouement dans la situation périlleuse où je me trouvais.

Quelle déception m’attendait ! Notre vieil ami n’eut pas un instant d’hésitation : il me déclara qu’il ne pouvait pas me recevoir ; et comme j’insistais, il me menaça d’une dénonciation si je ne quittais immédiatement son domicile.

Jusqu’à une heure du matin, j’errai dans les terrains vagues qui bordent la Bièvre ; mais ce plateau était garni de sentinelles qui me menacèrent plu-