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n’étions qu’à quelques mètres du camp des surveillants et du commandant territorial.

Il fallait sans perdre une minute prendre le large. Nos amis grelottaient, ils nous attendaient depuis plus d’une heure accrochés aux rochers. Leur voyage de la case à l’îlot s’était accompli sans trop de difficulté ; deux ou trois fois seulement ils avaient dû se mettre à l’eau pour éviter les rondes de surveillants.

La soirée était froide. Les trois fugitifs étaient complètement nus, et, depuis leur arrivée au rendez-vous ils n’avaient pas fait un mouvement. Dès que nous fûmes à une distance suffisante ils purent mettre quelques vêtements légers, déposés pour eux au fond de l’embarcation.

Deux des nouveaux passagers remplacèrent un instant Ballière et Bastien exténués de fatigue, et nous reprîmes le chemin du port de Nouméa, dont on distinguait à peine les lumières tremblotantes.

A moitié chemin, nous nous crûmes perdus. Sur le rivage de l’île Nou des lanternes se mouvaient avec une extrême rapidité.

A quatre cents mètres, autant qu’on pouvait en juger, nous aperçûmes ou plutôt nous devinâmes un bateau de l’administration, il paraissait se rapprocher avec une extrême vitesse.

Nous avions suspendu notre marche. Au falot qui éclairait ce bateau, au bruit régulier des avirons, nous reconnûmes une ronde de surveillants du bagne conduite par une forte équipe de rameurs.