Page:Jourde - Souvenirs d’un membre de la Commune.djvu/47

Cette page a été validée par deux contributeurs.

La journée fut remplie d’une franche et cordiale gaîté ; j’étais heureux que ma présence fût un adoucissement aux misères et aux privations de l’enceinte fortifiée.

Au milieu de ces joies de l’amitié les heures s’écoulent rapides, et je m’aperçus bientôt qu’il me restait à peine le temps nécessaire pour regagner le rivage et quitter le pénitencier. Ma permission m’obligeait à sortir de la presqu’île avant quatre heures de l’après-dînée.

Je donnai une cordiale poignée de mains à mes malheureux amis et, accompagné de Paschal Grousset, je me dirigeai à la hâte vers le lieu d’embarquement.

Grousset, soucieux, m’adressait de rares paroles. J’attribuai ce silence pénible aux tristesses de la séparation. Une autre préoccupation s’était emparée de son esprit. Enfin, il s’en ouvrit franchement. Il me fit d’une voix émue le récit de ses tortures morales et physiques : « Au moins, toi, me dit-il, te voilà à Nouméa, et si tu le voulais je suis persuadé que les occasions de t’évader ne te manqueraient pas. Mais pour nous — isolés comme nous le sommes — que faire ? Nous en sommes à notre troisième tentative ; l’insuccès le plus complet a toujours récompensé nos efforts. Je suis convaincu que la délivrance ne peut nous venir que de Nouméa. Comment s’y prendre ? Les relations nous sont, avec cette ville, à peu près interdites. Crois-tu, comme moi, qu’il y aurait quelque chose à tenter de ce côté ? »