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une grande boîte qui avait contenu des viandes de conserve.

Nos préparatifs achevés, nous nous mîmes à table, et pendant une heure délicieuse nous oubliâmes la déportation et ses souffrances.

Au dehors il faisait un temps épouvantable ; je n’avais pu apercevoir un seul de mes camarades de déportation, la pluie les tenait prisonniers dans leurs cases. Je devais donc abandonner pour cette fois le projet qui m’avait amené et il fut convenu, si le mauvais temps continuait, que je passerais la journée avec mes trois amis.

Les voisins les plus rapprochés furent prévenus de mon arrivée et invités à prendre le café, à la condition expresse d’apporter un récipient et un siège.

L’eau bouillante fut versée sur le café contenu dans une cravate de matelot ; cravate en laine tricotée et ressemblant assez à un bonnet de coton, mais plus étroite et de couleur noire.

Plusieurs de nos amis arrivèrent. Arnold, mon collègue au comité central et à la commune. Je ne le reconnus pas tout d’abord ; à peine âgé de trente ans, ses cheveux et sa barbe étaient presque blancs.

Bauër, un de nos plus jeunes camarades, jeté à vingt ans dans ce tombeau.

Jules Renard, l’ancien secrétaire et ami de Rossel, qui voulut partager le sort de celui-ci et se livra volontairement aux vengeances des conseils de guerre.

Gentellet, un camarade de casemate au fort Boyard.