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le forçat est condamné à recevoir cinquante coups de fouet. La division à laquelle le condamné appartient est assemblée ; elle forme le carré dans l’une des cours du bagne. Derrière, sur deux rangs, une compagnie d’infanterie de marine, chassepot chargé. Au centre du carré, les surveillants militaires, le fusil en bandoulière, le revolver au poing.

Le patient est amené, on le boucle sur un banc rougi par le sang des suppliciés, mordu par leur agonie. Le bourreau, un forçat, sort des rangs. Le fouet à quatre lanières siffle et s’abat sur la chair nue du malheureux. Au trois ou quatrième coup, un atroce cri de douleur, un rugissement se fait entendre ; les vaisseaux sanguins éclatent broyés, la chair déchirée vole autour de l’exécuteur, le sang irrité jaillit avec une violence inouïe. Le médecin s’approche ; le patient a perdu connaissance. Au 20e ou au 25e coup, selon sa constitution, le supplicié, sanglant, meurtri, est envoyé à l’infirmerie.

Au bout de quelques semaines, les plaies se sont cicatrisées. Mais la comptabilité immuable est là qui veille, il reste encore, que sais-je ? quinze, dix-huit, vingt coups à recevoir. La balance doit être faite. La cérémonie recommence, avec le même appareil. Quelquefois le forçat meurt sous cette deuxième épreuve, mais qu’importe. Le forçat n’a pas de nom, c’est un numéro. Le cadavre est jeté à la mer ! La justice et la comptabilité sont satisfaites !

« Mon cher ami, me disait l’un des nôtres, ces gens là ne nous condamneront jamais à mort, ils