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vingt ans, celui que ses camarades n’avaient cessé de déclarer innocent. Un recours en grâce, en sa faveur, avait été rédigé par M. Dezarnaulds, avocat à Nouméa ; la demande avait été purement et simplement rejetée. Cela aurait compliqué l’affaire, et donné lieu à une nouvelle et ennuyeuse procédure, selon l’opinion gracieusement exprimée par un membre du conseil de guerre.

Quatre poteaux étaient dressés dans la plaine. Les condamnés, sur leur parcours, avaient aperçu quatre cercueils, délicate attention du surveillant en chef Hugueny.

Adossés à leur poteau, les condamnés durent entendre la lecture séparée du jugement qui les frappait. Cette lecture dura une demi-heure.

Le peloton d’exécution, l’arme au pied, attendait. Le plus jeune des condamnés, s’apercevant de l’émotion à laquelle était en proie l’un des exécuteurs, lui dit, avec cet accent gouailleur du gamin de Paris : « Allons donc, numéro un, du sang-froid, nom de Dieu, ce n’est pas vous qu’on va exécuter. » Et, souriant à la mort, il se mit crânement au poteau qui lui était destiné.

Tous quatre tombèrent foudroyés, sans que leur calme se fut démenti un seul instant.

Après l’exécution, les quatre poteaux furent peints en rouge. On les a laissés au milieu de la plaine aride, témoins muets d’un sauvage assassinat.