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des prisons. Ils n’ont pas fait un long apprentissage avant d’obtenir, comme disent les fanfarons du bagne, l’honneur d’une condamnation aux travaux forcés.

Il arrive que ces hommes conservent, au milieu de leurs compagnons, un sentiment de dignité, un respect d’eux-mêmes qui les rendent moins souples entre les mains brutales des surveillants ; ils subissent donc, la plupart du temps, toute leur peine, dans la troisième ou la quatrième classe.

Au contraire, le voleur, l’assassin, l’ancien locataire des maisons centrales qui arrive au bagne après avoir subi déjà dix ou douze condamnations, sait cacher sous des dehors hypocrites et repentis les plus dangereuses dispositions. Il est l’esclave, en apparence soumis et docile, des surveillants, dont il obtient parfois la bienveillance à l’aide des plus honteuses complaisances.

Celui-là, au bagne, sait trouver ses aises, se procurer des jouissances innombrables ; il connaît mille moyens infaillibles pour tromper la surveillance ; grâce à l’attitude qu’il sait prendre, son travail est moins pénible que celui qu’on impose au plus grand nombre de ses compagnons.

J’ai vu de fort près et bien souvent les forçats les plus dangereux ; la quantité et la gravité des condamnations qu’ils avaient encourues, avant de venir en Nouvelle-Calédonie, étaient incroyables. Eh bien, ces hommes étaient les privilégiés du bagne, ils avaient toujours en leur possession des sommes