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tait sous des tentes un détachement de gendarmes, placé sous les ordres du lieutenant et chargé de la surveillance des prisonnières. Celles-ci formaient deux catégories de détenues bien distinctes. Les unes étaient des filles publiques arrêtées sous les prétextes les plus futiles ; les autres étaient des mères, des épouses, des sœurs des hommes gravement compromis dans la révolution du 18 mars. Ces dernières avaient été réparties dans diverses prisons et elles étaient fort heureusement en petit nombre dans le lieu que nous venons de désigner. Leur conduite pleine de courage et de dignité avait exaspéré le lieutenant à un très haut degré. Aussi, après les avoir torturées de toutes les manières pendant quelques jours, il conçut, pour se venger de leur ferme et digne attitude, un projet abominable qu’il mit promptement à exécution : il avait autorisé souvent quelques-unes des filles publiques à passer la nuit dans les tentes avec ses gendarmes.

Un jour, à son inspection du matin, il appela dans une chambre voisine du dortoir toutes les prisonnières dont la conduite honnête et courageuse avait excité sa colère.

Bien qu’elles n’eussent jamais consenti à descendre se promener dans la cour pour éviter certains contacts et pour n’être pas exposées à certains outrages, le lieutenant leur déclara que des prisonnières ayant communiqué une maladie honteuse à ses gendarmes, toutes les détenues indistinctement devaient être visitées et qu’on allait commencer par elles.