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était tendu. Parmi eux se trouvait un fédéré, devenu plus tard mon camarade de paillotte à l’île des Pins, de qui je tiens l’affreux récit qu’on va lire.

C’était un brave ouvrier carrier, qui avait dignement fait son devoir sous le premier siège et qui, à l’avènement de la Commune, continua à servir modestement dans les rangs de la garde nationale. Il était marié et père de deux enfants dont l’aîné avait trois ans ; sa femme était dans un état de grossesse très avancé quand il fut arrêté.

Tout heureux de pouvoir rassurer sa femme et sans doute de recouvrer une liberté si précieuse pour faire vivre les siens, il écrivit à sa chère compagne et attendit son arrivée, le cœur plein d’un joyeux espoir.

Malgré la promesse qui lui avait été faite, de longues semaines s’écoulèrent sans qu’il eût de nouvelles de sa famille. Il fut envoyé des premiers sur les pontons, ramené à Versailles où il apprit l’horrible vérité, et de là expédié en Nouvelle-Calédonie.

Au reçu de sa lettre, sa femme était accourue, portant dans ses bras une petite fille de sept mois.

La pauvre mère n’avait pas voulu remettre sa démarche au lendemain et s’était présentée à huit heures du soir à la porte de la prison.

Le factionnaire la fit entrer dans le poste, commandé ce jour-là par un sergent — soldats et chefs, tous étaient ivres ; ils entourèrent la malheureuse femme et se livrèrent sur elle à toutes les brutalités. Cependant, le sergent obtint un peu de calme et