Page:Jourdain - Les Décorés, 1895.djvu/90

Cette page a été validée par deux contributeurs.
66
LES DÉCORÉS

— résolut de supprimer le clown afin d’apprendre à vivre aux autres sujets de la troupe. — V’lan, et allez donc ! Seulement, au dernier moment, le cœur du justicier chavira, sa main trembla, et — si mes souvenirs ne me trompent pas — c’est le colosse qui se blessa.

Faut-il débarquer du fin fond du Berry pour croire aux engagements d’un politicien ? Ô naïveté ! Ô candeur ! O rus quando te aspiciam !

Et, en effet, il arrivait tout dret de sa campagne, l’innocent, avec de gros sabots, un large chapeau de feutre, de longs cheveux, une veste trop courte, une vielle en sautoir, un morceau de lard, deux paires de bas de laine, des ébauchoirs et des crayons empaquetés dans un mouchoir de coton, beaucoup de vaillance au cœur, et une belle flamme d’intelligence dans les yeux où stagnait encore le reflet des ciels berrichons.

Inutile d’insister sur l’accueil réservé par notre société démocratique à ce paysan mal peigné qui se permettait d’être artiste et d’avoir