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LES DÉCORÉS

cendants un superbe morceau de l’art moderne. Impossible de saisir avec plus d’intensité la caractéristique, la silhouette morale d’un être.

Il y a vingt-cinq ans, Desboutin, qui est un lettré délicat, fit représenter à la Comédie-Française un drame en vers — Maurice de Saxe — dont le succès, arrêté par le canon de Reichshoffen, aurait rapporté à tout autre qu’à lui le ruban rouge. Seulement l’auteur est un irrégulier, un indépendant, un original ne fréquentant aucun salon officiel, un monsieur insupportable dont l’épine dorsale reste ankylosée et dont le chapeau semble collé sur sa chevelure hirsute. En outre, ce Montmartrois ignore le chemin des ministères ; il préfère ergoter sur l’art dans une brasserie de jeunes ou copier quelque Fragonard inconnu, plutôt que de passer fructueusement son temps dans des antichambres dont la teinte des tentures et la dorure des lambris flanqueraient, d’horreur, le tétanos à l’obélisque.