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LES DÉCORÉS

hôpitaux, les prisons, les usines, les bouges faubouriens, émane une pitié angoissée qui met un acre plaisir à étaler au plein jour les ulcères et les abominations de notre ordre social. Même dans le monde franfrelucheux de l’Opéra, dans ce milieu pimpant et fêtard, si admirablement interprété par l’artiste, on retrouve une semblable morosité : pantalons rapiécés de choristes, bottines boueuses de figurants, dessous sales de marcheuses, contorsions martyrisantes de danseuses, maquillées de sourires provocants, tout cela mêlé aux tulles, aux satins, aux paillons, aux ors, aux clinquants, aux palais en carton, aux trônes en voliges, aux cuirasses en fer blanc, aux épées en zinc, aux orfèvreries et aux appas en toc, aux flamboiements de l’électricité, aux mensonges bêtes du théâtre. Vrai, c’est plus lamentable qu’excitant.

Jusqu’à vingt-quatre ans, Renouard, petit employé de commerce, ficela des paquets et livra des marchandises à des clientes variées,