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LÉON HENNIQUE

rer les lauriers pourris dans le sang, le Bonaparte d’Hennique se détache avec la splendeur rayonnante d’un marbre grec égaré dans l’éventaire d’un mouleur italien. Et pourtant — comme l’Arlésienne de Daudet — il ne paraît pas, le principal personnage ; mais on flaire ses relents de crapule, on le devine, il plane, invisible et malfaisant, on comprend que c’est lui qui fait le coup ; les autres personnages sont des fantoches dont l’imprésario tient les ficelles et qu’il agite dans l’ombre, de loin, afin de se garder un alibi devant la postérité.

La Mort du duc d’Enghien est une tragédie fière comme du Corneille, une page d’histoire dialoguée plus poignante, par son implacabilité documentaire, que les plus effroyables mélos. À cause de sa grandeur hors ligne, peut-être a-t-elle nui au succès de L’Argent des autres, la satire persiflante et vengeresse que donna l’Odéon. Et puis, devant l’écroulement du Panama, devant la culbute de la Chambre en plein égoût, le public n’a-t-il pas trouvé la