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On connaît les œuvres de notre peintre. N’eût-il fait que le Comte de Comminges reconnue par sa maîtresse et la Mort de Léonard de Vinci, dont la lithographie de Mouilleron vaudra de l’or avant peu d’années, il faudrait assigner à M. Gigoux une place de choix dans l’école.

Populaire et recherché, il peut dire de lui-même comme ce fier imagier du moyen-âge, dont la ville de Toulouse garde la signature aux Augustins Vir non incertus. Et le peintre, chez lui, n’a pas atteint l’éclectique. Expert en belles œuvres, il a fait un musée de sa demeure.

Demeure historique et charmante.

N’entrons pas, nous ne pourrions sortir.

Lisez plutôt le chapitre instructif et de tout point exquis d’Édouard Fournier sur le Cèdre de Beaujon.

Revenant à nos dessins, je propose d’écrire au fronton de l’Hôtel Drouot le jour de la vente :


DE MAISON D’ARTISTE.


Vous faut-il des preuves ?

Il y a quelque dix ans, notre collectionneur mit en vente une poignée de dessins. Sur le nombre, deux Moreau que je n’ai nul besoin de désigner davantage, et un Freudeberg furent acquis par M. Mahérault pour la somme de six à sept cents francs. Le 29 mai 1880, a la vente Mahérault, ces trois dessins se payaient trente mille francs. Ceux que nous dénonçons aux amateurs égalent, s’ils ne les surpassent, leurs devanciers. Où trouver, par exemple, dans une collection privée, des Albert Dürer plus beaux que les cinq pièces, — cinq chefs-d’œuvre, — de ce cabinet ? Maître Hieronymus, l’artiste ascétique de la Fête du Rosaire, a été reproduit dans le livre définitif sur Dürer, de M. Ephrussi.

On verra parmi nos dessins l’esquisse magistrale de la Bataille de La Hogue, de Benjamin West, l’une des toiles qui font le plus d’honneur à l’école anglaise.

Non moins achevé peut-être que sa quatrième eau-forte, tel est le Paysage de Ruysdaël.

Une Tête d’homme, par Rembrandt, provient du cabinet Arozarena. Cet amateur l’avait acquise au prix de 4.000 francs. Leroy l’a rendue populaire dans ses fac-similés.

C’est du cabinet Denon que provient la Mère de Rembrandt.

Les deux filles de Van Ostade sont une étude préparatoire pour le tableau du Louvre où le peintre s’est représenté entouré de sa famille.

Est-il besoin de rappeler quels liens étroits rattachent la sépia de Lorenzo di Credi, Personnage debout les mains jointes, à la figure de saint Julien l’Hospitalier du tableau du Louvre ?

La sanguine d’Andrea del Sarto, Jeune garçon un genou à terre, n’est pas étrangère au tableau de la Charité.

L’Ange de Léonard est la première pensée de son personnage de la Vierge aux rochers.

Nous n’en finirions pas si nous tentions de mentionner toutes les études que renferme la collection. On dirait les strophes murmurées de vingt poèmes.

Quelle page mystérieuse que l’étude de Van Dyck pour son portrait de Charles Ier ! Quelques traits de plume, un peu d’encre de Chine, et l’artiste nous laisse la sensation de la couleur, du mouvement, du style, qui distinguent son œuvre impérissable à la gloire du roi d’Angleterre.

Le cabinet Gigoux n’est pas moins riche en dessins français. Trois études de Poussin ont un intérêt de premier ordre. Ce sont les esquisses de Moïse enfant foulant aux pieds la couronne de Pharaon, du Jeune Pyrrhus sauvé et de cette toile éclatante dont Poussin lui-même parle avec tant de complaisance dans ses lettres, le Ravissement de saint Paul.

Dois-je poursuivre ? — A quoi bon ?