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s’échappant de sa ville natale. Il vint à Paris comme tant d’autres, riche d’espérance et de volonté. Ceci se passait au début de l’année 1828. Gigoux entrait à l’École des Beaux-Arts le 2 avril suivant.

Le premier gîte occupé par Gigoux fut une chambrette au n° 5 de la rue de l’Est. Mais il ne fit que passer dans cette maison et il alla planter sa tente dans la rue de Bondy. À des époques diverses, Frédérick Lemaître, Joséphine de Beauharnais, Mlle Laguerre, de l’Opéra, Paul de Kock ont habité la rue de Bondy. Gigoux choisit sa demeure au n° 70, tout près de l’hôtel des Rosambo, où le baron Taylor devait fonder un jour ses nombreuses sociétés de secours en faveur des artistes de tout ordre. Les premiers travaux de Gigoux dans cette demeure furent quelques lithographies. Puis il entreprit une grande Tête d’étude. Sa planche fut éditée, ainsi que plusieurs autres qu’il exécuta vers le même temps ; puis le dessinateur prit ses pinceaux. C’est de cette époque que datent les relations de Gigoux avec Sigalon, Delacroix, Delaroche, Antonin Moine, Barye, de Vigny, dont il devait faire plus tard les portraits pour l’Artiste, N’oublions pas que déjà Sigalon avait exposé son Athalie au Salon de 1827, Delacroix, le Christ au jardin des Oliviers et Marino Faliero, Barye, plusieurs bustes, tandis que notre artiste ne devait débuter qu’en 1831. Cela ne l’empêcha pas de se lier avec les hommes d’avenir dès son arrivée à Paris. Decamps, Théophile Gautier, David d’Angers devinrent presque à la même date des amis pour Gigoux. Laissons-le parler de quelques-uns.

Decamps travaillait sans relâche, et Delacroix ne se lassait pas d’admirer la force de volonté de cet habile peintre. Cette admiration pour Decamps était d’ailleurs partagée par un autre vaillant homme, mais qu’il ne serait pas juste de placer au même plan que Delacroix. C’est à Sigalon que je fais allusion.

Le nom de Xavier Sigalon a eu un grand retentissement vers 1830. Beaucoup d’hommes dont les noms ont survécu se groupaient volontiers autour de lui. C’était un novateur hardi. Son audace lui avait fait un entourage. Le jeune maître avait sa cour dont le siège : était le Cheval Blanc, sorte de cabaret situé au-delà de la Porte-Saint-Denis, au n° 56 du faubourg. C’est là que régnait Sigalon. Ses opinions, ses jugements faisaient loi pour ses auditeurs. L’irascible méridional n’admettait pas qu’on osât le contredire. Les commentaires, les observations n’étaient guère tolérés par cet esprit plein de rudesse, sans éducation, fait pour la dictature.

Quelque distance que le talent et l’éducation aient laissée entre Delacroix et lui, la personnalité de Sigalon est de celles dont il faut cependant tenir compte et je me plais à dire ce que je sais de ce brave homme.