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de solutions des questions qu'agitent les philosophes : c'est donc une autre philosophie antérieure à la philosophie proprement dite, puisqu'elle se trouve spontanément au fond de toutes les consciences, indépendamment de toute recherche scientifique. Il y a donc deux votes sur les questions qui intéressent l'humanité, celui du vulgaire et celui des philosophes, le vote spontané et le vote scientifique, le sens commun et les systèmes.

Nous avons une idée nette du sens commun : examinons à présent en quoi consiste la contradiction du sens commun et de la philosophie.

Si l'on compare la solution du sens commun sur un problème quelconque aux diverses solutions proposées par les philosophes, on trouve toujours que la solution du sens commun est plus large que les solutions philosophiques. Les exemples le prouvent : Zénon définissait le bien, ce qui est conforme à la raison ; Épicure, la sensation agréable ; Kant, ce qui est obligatoire. Le sens commun adopte toutes ces opinions et par là même ne peut se renfermer dans aucune. Les spiritualistes affirment l'existence de l'esprit, les matérialistes celle de la matière ; mais les premiers finissent par nier la matière et les seconds l'esprit. Le sens commun admet également la matière et l'esprit, et par là se met en contradiction avec ces deux systèmes. Les empiristes ne reconnaissent d'autre autorité en matière de connaissance que les yeux et les mains ; Descartes n'en admet pas d'autre que la conscience ; Platon et Kant font prédominer la raison ou la conception de ce que nos sens ni notre conscience ne peuvent atteindre ; le sens commun reconnaît l'autorité de la conscience, des sens et de la raison tout ensemble. Si l'on poursuit le parallèle dans toutes les autres questions,