Page:Jouffroy-Melanges philosophiques-1860.djbu.djvu/121

Cette page n’a pas encore été corrigée

toutes les fois qu'après quelques siècles d'assoupissement elle renaît à l'activité, il est impossible de méconnaître les questions suprêmes et fondamentales qui intéressent l'homme par-dessus tout, dont toutes les autres dépendent ou devant lesquelles elles disparaissent ; les questions, en un mot, qui contiennent, sous ses diverses faces, l'énigme de ce monde. C'est autour de ces questions que la philosophie s'agite depuis qu'elle existe, c'est-à-dire depuis qu'il y a des hommes qui pensent ; ses systèmes ne sont que des mots divers proposés à cette énigme ; ses longs débats ne sont que la discussion solennelle de ce grand mystère ; et son histoire représente fidèlement le développement de l'intelligence humaine sur les problèmes humains par excellence.

Or, pour en revenir à notre point de départ, ce qui frappe d'abord dans ce développement philosophique, ce qui exige avant tout une explication, c'est la divergence et le peu de consistance de ses résultats. Il n'est pas une question importante sur laquelle la philosophie soit d'accord avec elle-même ; il n'est pas une de ses solutions qui ait pu prendre pied d'une manière durable, et résister à la force de l'opinion universelle qui les a toutes emportées. Rien n'est plus étrange, au premier coup d'oeil, et n'est plus digne d'être médité que cette impuissance de la réflexion à se fixer, que cette contradiction des hommes de génie et du vulgaire, de la philosophie et du sens commun, sur les points qui touchent de plus près aux intérêts de l'humanité. Platon et Aristote, Zénon et Epicure, Descartes et Hobbes, Leibnitz et Locke, Kant et Condillac, c'està-dire les plus puissantes intelligences que le monde ait produites, ont épuisé leurs forces sur la nature du vrai, du bien et du beau, sans pouvoir convenir d'un seul résultat ; et le vulgaire qui paraît n'y