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matérialisme et du spiritualisme en métaphysique, celle du stoïcisme et de l'épicuréisme en morale ; aucune de ces doctrines n'a prévalu d'une manière durable ; aucune n'a péri ; toutes ont trouvé des partisans illustres et de bonne foi, toutes ont exercé à peu près la même influence ; mais, en définitive, le genre humain, témoin de leurs débats, n'est devenu ni matérialiste, ni spiritualiste, ni stoïcien, ni épicurien ; il est demeuré ce qu'il était avant la philosophie, croyant tout à la fois à la matière et à l'esprit, respectant le devoir et poursuivant le bonheur tout ensemble.

Ce spectacle, qui inspire à l'observateur superficiel le mépris de la philosophie, et qui a fourni au scepticisme des armes en apparence si redoutables, est profondément instructif pour qui cherche dans les événements du monde intellectuel les lois du dévoloppement de l'espèce humaine, qui s'y révèlent d'une manière bien plus vraie et bien plus large que dans ceux du monde politique ; car les actions des hommes traduisent leurs idées comme leurs idées traduisent les lois de leur nature ; et, de ces deux traductions, la plus immédiate est aussi la plus fidèle et la plus claire.

Mais ce spectacle, pour devenir instructif, a besoin d'être compris, et pour être compris, veut être étudié. Or, c'est un sujet tout neuf encore, et sur lequel la réflexion ne s'est guère arrêtée qu'en passant. Le développement actif de l'espèce humaine a d'abord attiré tous les regards, et cela devait être : nous sommes toujours frappés de ce qui est plus extérieur. On a fouillé dans tous les sens le champ des faits proprement dits ; toutes les actions, tous les événements, toutes les dates ont été minutieusement explorés : c'est ainsi qu'on a commencé l'histoire de l'humanité. Mais les faits recueillis, on a