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et avoueront que, pour écrire ou composer ainsi, il faut faire de soi d’abord, ou devenir à chaque ouvrage, un instrument organisé.

En poésie, en éloquence, en musique, en peinture, en sculpture, en raisonnement même, rien n’est beau que ce qui sort de l’âme ou des entrailles. Les entrailles, après l’âme, c’est ce qu’il y a en nous de plus intime.

Ce sont les enchantements de l’esprit et non les bonnes intentions qui produisent les beaux ouvrages. Celui qui, en toutes choses, appellerait un chat un chat, serait un homme franc et pourrait être un homme honnête, mais non pas un bon écrivain ; car, pour bien écrire, le mot propre et suffisant ne suffit réellement pas. Il ne suffit pas d’être clair et d’être entendu ; il faut plaire, il faut séduire, et mettre des illusions dans tous les yeux ; j’entends de ces illusions qui éclairent, et non de celles qui trompent, en dénaturant les objets. Or, pour plaire et pour charmer, ce n’est pas assez qu’il y ait de la vérité : il faut encore qu’il