Page:Joubert - Pensées 1850 t2.djvu/89

Cette page n’a pas encore été corrigée

Il y a, dans l’emploi de l’un, quelque chose de sobre et de suffisant, et dans l’usage fréquent de l’autre, de la pompe, de l’ambition et du superflu. La simplicité, même celle qui est ornée, disparaît, si les épithètes ne sont pas rares et clairsemées. Les écrivains qui en font abus n’ont rien ou ne montrent rien qui ne soit vêtu. On ne trouve chez eux que de l’éclat ; aucune nature ne s’y rencontre dans sa propre sincérité. Ils teignent tout des couleurs naturelles à leur esprit ; proprio fucata succo depromunt.

Un assez bon nombre de nos poëtes ayant écrit en prose, le style ordinaire en a reçu un éclat et des hardiesses qu’il n’aurait point eus sans eux. Peut-être aussi quelques prosateurs nés poëtes, sans naître versificateurs, ont-ils contribué à parer notre langue, jusque dans ses familiarités, de ces richesses et de cette pompe qui avaient été jusque-là le partage exclusif de l’idiome poétique. La Grèce et Rome eurent également sans doute des prosateurs nés poëtes, Platon, Tacite et quelques autres. Mais ils étaient poëtes par l’extase, tandis que les modernes le sont par