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sentiments de piété, qui ont quelque chose d’infini. Le second convient mieux aux lois et aux maximes de morale. Le meilleur des deux est celui qui se montre le mieux assorti à ceux qui le parlent, et à ceux qu’ils veulent exprimer. De même donc qu’il y a deux sortes de styles, il y a deux sortes d’écrivains ; les uns qui dessinent ou peignent leur pensée, la laissant, pour ainsi dire, collée à leur papier, comme un tableau à la toile ; les autres qui y gravent la leur, l’y enfoncent ou l’en détachent, en lui donnant un relief qui la fait nettement ressortir. Ces derniers sont particulièrement propres à exprimer les pensées qui doivent être connues de tous, offertes à tous, et exposées, comme en une place publique, à l’attention universelle ; de cette espèce sont les lois, les inscriptions, les maximes, les proverbes ; tout ce qui, chez les anciens enfin, pouvait être appelé nômes, et qui dépend, chez les modernes, du genre sentencieux.

On doit traduire largement les orateurs et les moralistes verbeux, et strictement les poëtes et les écrivains sentencieux : leur nature le veut ainsi.